
Her Excellency Dr June Soomer
Mon seul espoir pour les jeunes est qu'ils se rendent compte qu'ils ne doivent jamais abandonner le combat !
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis née à Sainte-Lucie mais je me considère comme une intégrationniste régionale, je me sens pleinement Caribéenne.
J'ai été la première femme à recevoir un doctorat en histoire au sein du campus Cave Hill de l'Université des Indes Occidentales (UWI – University of the West Indies), la première femme à être Ambassadrice de Sainte-Lucie auprès de la CARICOM et de l'OECS, la première femme qui a servi en tant que Commissaire de l'OECS, la première femme à être nommée Secrétaire Générale de l'Association des États de la Caraïbe et la première femme à assumer le rôle de Présidente du Conseil du campus ouvert de l'Université des Indes Occidentales.
Mon rôle le plus important est cependant celui d'enseignant et de mentor.
Quelles sont vos initiatives les plus symboliques réalisées pendant votre mandat de Secrétaire Générale de l'Association des États de la Caraïbe (AEC) ?
J'accorde une attention particulière aux détails et je pense qu’il faut mettre de l’ordre à "la maison" afin de mettre en place et développer la vision globale de l'organisation.
Nous avons accordé et investi beaucoup de temps à la modernisation de l'organisation sur le plan stratégique, administratif et pratique pour accroître sa visibilité et ses fonctionnalités. À cet égard, l'approfondissement des relations avec des partenaires tels que les Etats membres, les membres associés et d'autres organisations régionales se démarquent.
L'accent a été mis sur la gestion ciblée axée sur les résultats, la gestion des données, documents, le développement du personnel et la gestion de l'image de l’AEC.
La réalisation dont je suis la plus fière a peut-être été le recentrage sur la nature multilatérale de l'organisation en donnant la parole aux divers membres. Tous peuvent venir s’exprimer sur le même pied d’égalité.
Comment l’AEC intègre le thème de la jeunesse dans le cadre de la coopération régionale dans la Caraïbe ? Y’a-t-il des exemples de programmes ou dispositifs mis en place dans ce domaine ?
L'organisation a intégré à la fois la jeunesse et le genre dans son programme de travail au cours des quatre dernières années et nous avons réalisé des actions avec les jeunes via les réseaux sociaux, notamment sur la valorisation des activités de l'AEC ainsi que les opportunités à saisir. Nous avons effectivement reconnu l'importance de la jeunesse et avons intégré des projets autour du tourisme durable, de l'éducation et de la réduction des risques de catastrophe dans le plan d'action 2019-2021. Le projet Artisan a permis aux jeunes entrepreneurs de Sainte-Lucie et de la Jamaïque de faire partie d'un réseau qui renforce les capacités de ventes et commercialisations de leur produits et activités en général. Dans le domaine de l'éducation, nous avons établi un partenariat avec l'UWI et le Mexique sur l'utilisation de la technologie géospatiale et nous continuerons de collaborer avec UWI et GeoTech Vision sur un programme d'été pour les jeunes de la Caraïbe.
Vous êtes la première femme à obtenir un doctorat en histoire de l'UWI - Cave Hill Campus en 1994 et la première femme à être nommée Secrétaire Générale de l'AEC en 2016. En tant que telle figure symbolique des femmes de la Caraïbe, que pensez-vous de la place générale que les femmes occupent dans les institutions de notre région ? Pensez-vous que leur rôle a beaucoup évolué depuis 1994 ?
Les femmes commencent à sortir de l'ombre et à devenir des figures nationales mais doivent faire leurs preuves à chaque étape du processus. C'est comme si elles étaient toujours sous un microscope. Elles doivent également toujours se qualifier à un niveau supérieur pour que quelqu'un dise qu'elles méritent le poste ou la distinction. Cela prend beaucoup de temps, surtout pour les femmes noires qui étaient au bas de l'échelle en ce qui concerne notamment la classe sociale et le genre. Cela met beaucoup de pression sur les femmes au sommet pour lutter contre le ces discriminations.
De plus en plus de femmes obtiennent des diplômes aux plus hauts niveaux dans des établissements d'enseignement supérieur, mais cela ne se traduit malheureusement pas forcément par des emplois de haut niveau.
La lutte pour l'égalité des sexes est réelle et continue encore aujourd'hui.
Vous avez poursuivi vos études supérieures dans la Caraïbe à chaque étape de votre parcours, comment évalueriez-vous les cours et les programmes offerts par nos établissements caribéens ? Pensez-vous que ces cours et programmes peuvent permettre à nos jeunes de devenir des professionnels hautement qualifiés ?
En tant que diplômé de l'UWI, l'université régionale classée parmi les meilleures universités, je peux honnêtement affirmer que l'UWI fournit des fondamentaux et nous délivre un apprentissage et des capacités de qualité.
Il y a eu des investissements et des innovations, en particulier en ce qui concerne le UWI Open Campus, qui est une configuration virtuelle et physique qui donne l'occasion à ceux qui n'ont pas la capacité de déménager sur l'un des campus de bénéficier d'une formation et apprentissage à distance.
Cependant, je pense toujours qu'il y a de la place pour intégrer l'université dans la communauté et que les discussions deviennent une réalité. C'est une région très instruite et l'accès aux plus hauts niveaux doit être une priorité.
Pour lutter efficacement contre la fuite des cerveaux, quelles sont quelques mesures que les institutions privées et publiques ainsi que les jeunes eux-mêmes peuvent mettre en place ?
La technologie et certainement la période COVID-19 ont clairement indiqué que la localisation d’un étudiant ne devrait pas entraver sa participation et contribution régionale. Il n'y aurait pas de fuite des cerveaux si nous mettions en place des mécanismes éducatifs, financiers et d'intégration permettant d'apporter une contribution quelle que soit la localisation des jeunes. Les jeunes appartiennent au monde et non à une localité et ils devraient utiliser leur capacité d'innovation pour apporter une contribution partout.
Quels sont vos futurs projets après votre mandat de Secrétaire Générale de l'AEC ?
Trouver un espace calme pour écrire. J'ai déjà les esquisses de trois livres sur mon ordinateur qui doivent être écrits. L'un concerne l'intégration régionale, le deuxième porte sur la dynamique de coopération au niveau multilatéral et le troisième qui est plus personnel porte sur l'identité et la confrontation raciale et sexuelle tout au long de ma vie. Je reste ouvert à servir la région à l’avenir.
Quelques conseils pour les jeunes caribéens ?
Les jeunes sont innovants, créatifs et audacieux. Ils ne doivent pas être entravés par des structures archaïques qui limitent leur potentiel.
En même temps, ils devraient toujours réfléchir à ce qu'ils laisseront à la génération qui les remplacera.
Mon seul espoir est qu'ils se rendent compte qu'ils ne doivent jamais abandonner le combat.